Une fin de vie vécue dans la dignité
Alice a vécu une grande histoire d’amour avec Vincent son époux. Tous deux avaient créé et géré une entreprise qui a donné du travail à une quarantaine de personnes…ils travaillaient ensemble et avaient une vie de famille épanouie.
Vincent, atteint par un cancer foudroyant avait décidé de mourir avant que des souffrances et l’agonie le défigurent. Alice l’accompagna jusqu’à la fin de sa vie, à l’étranger où l’euthanasie peut être pratiquée ; c’était en 2015 avant que la loi Clays-Léonetti de 2016 soit promulguée.
Moins d’un an après cette disparition, le corps d’Alice développe à son tour un, puis deux, puis trois cancers…
En février 2022, l’équipe mobile des soins palliatifs de mon secteur, me confie l’accompagnement d’Alice: » veuve depuis 6 ans, en phase terminale d’un cancer et qui vit seule à son domicile. »
Lors de ma première visite, elle m’avoue d’emblée qu’elle n’est pas très favorable à cet accompagnement bénévole que lui avait proposé l’équipe mobile des soins palliatifs. Elle avait accepté cette première visite à son domicile, sur les conseils d’une de ses belles-filles avec qui elle s’entend à merveille mais qui est loin de chez elle.
Puis prenant conscience de sa grande solitude elle accepta que je revienne et nous fixâmes un nouveau rendez vous régulier chaque semaine. Elle retrouva en elle la capacité à s’ouvrir à d’autres que sa famille et ses soignants qui défilaient chaque jour chez elle et dont je fis connaissance, créant des liens nouveaux à chaque fois. Un lien de confiance, de simplicité et même d’amitié réciproque se développe peu à peu et me ravie.
Un jour elle me raconta qu’elle et son époux s’étaient promis d’envisager l’euthanasie si l’un d’eux venait à être atteint d’une maladie irréversible…mais elle m’avoua être encore traumatisée par ce qu’elle et ses enfants ont vécu en Belgique en 2015 où ils n’ont eu aucun accompagnement humain et psychologique pour se préparer à cette mort brutale. Croyant m’avoir choquée, en me parlant d’euthanasie, je la rassure en lui disant que je suis là à ses côtés pour recevoir et écouter ses paroles, pour vivre un moment de partage et non pour juger …
Puis quand j’ai senti qu’elle attendait de moi un « plus » pour la soulager je lui ai expliqué ce que la loi Clays-Léonetti de 2016 apportait de nouveautés en matière de fin de vie pour éviter cette période d’agonie parfois accompagnée de souffrances récalcitrantes et insupportables, autorisant par exemple la sédation profonde et continue…
Depuis ce jour, j’ai senti qu’Alice avait retrouvé une certaine paix intérieure et chaque fois que nous nous sommes revues, nous échangions sur nos lectures, sur ses relations avec ses enfants, et la vie avait retrouvé ses atours dans sa maison et son jardin où elle me raconta l’histoire de chaque bosquet ou plantation alors parés de fleurs magnifiques…
En 7 mois la maladie fit son œuvre… Alice fût hospitalisée et j’ai poursuivi mes visites dans le service spécialisé en cancérologie… elle était en fin de vie et fut transférée dans un établissement proche du domicile d’un de ses fils, mais hors du département. Le 31 août j’ai reçu un appel de sa belle-fille pour m’annoncer son décès survenu le jour même…décès survenu paisiblement et naturellement …j’étais la première prévenue et sa belle fille ajouta : « Alice vous aimait beaucoup et a apprécié votre présence régulière. Nous tenons à vous remercier. »
Marie Cécile, accompagnante bénévole en soins palliatifs de l’association « Etre là «



